Rechercher dans ce blog

samedi 4 mai 2024

11 mai 2024 - peut-on cultiver la joie ?


Soyons concis dans un premier temps, la joie est conseillé par tous, ok ? 

Mais peut-on apprendre à être joyeux ou encore si la joie nous surprend comme un moement de folie coment retenir ou mieux encore cultiver la joie ?   

  
Joie : 
Du latin gaudium (satisfaction) ou laetitia (« plaisir à jouir d’un bien »). Émotion vive, souvent accompagnée d’un sentiment de plénitude, éprouvée par l’individu lorsque ses désirs et ses besoins sont satisfaits. La joie se distingue donc du plaisir par sa durée et son intensité, mais aussi du bonheur, qui est davantage un idéal. En religion, elle est un don de l’Esprit qui peut mener à la béatitude. Chez Platon, la joie peut être rapprochée de l’enthousiasme éprouvé par celui qui est inspiré comme l’est le poète ou l’amoureux. Elle est alors exubérante dans ses manifestations. C’est une sorte de folie dont Érasme, à la Renaissance, fait la louange. Mais c’est surtout au XVIIe siècle que la joie est repensée par les philosophes rationalistes : Descartes voit en elle l’une des six passions primitives et la définit comme « une agréable émotion de l’âme en laquelle consiste la jouissance qu’elle a du bien que les impressions du cerveau lui représentent comme sien ». Sa cause la rend cependant ambivalente : la joie de l’ivrogne appelle la méfiance. Chez Spinoza, la joie, davantage intellectualisée, témoigne d’un accroissement de la puissance de connaître. C’est « le passage de l’homme d’une moindre à une plus grande perfection ». Pour Nietzsche, elle exprime la volonté de puissance en tant qu’acceptation joyeuse de la vie. De nombreux philosophes français contemporains (En particulier Gilles Deleuze, Clément Rosset, Robert Misrahi, André Comte-Sponville) valorisent la joie pour tempérer le tragique de l’existence, tout en dénonçant l’obligation sociale de vivre dans une « euphorie perpétuelle » (Pascal Bruckner).



Fou de joie
La joie, au contraire du bonheur et du divertissement, n’esquive pas le réel, n’ignore rien de la cruauté des choses, de la mort. Ni optimiste ni pessimiste, elle invite à voir le monde tel qu’il est.

Eugène Ionesco raconte : « Ils fêtent. Ils sont tous en vêtements de fête, dans une maison parée pour la fête, ils échangent des cadeaux, ils rient comme… s’ils ne savaient pas qu’il y a le gouffre. » Mais où ont-ils la tête ? et où ont-ils le cœur ? La joie est une honte, un crachat, un rictus égoïste, un concept bourgeois, un youpi métaphysique, un scandale, face au scandale du monde. La joie ? Ta gueule.

– Quoi, ma gueule ? Qu’est-ce qu’elle a, ma gueule ? Quelque chose qui va ? Arrête, malheureux… En accusant le réel, en s’indignant du non-sens comme d’une trahison, en lestant tout présent de la mort à venir, ta plainte prolonge la douleur contre laquelle elle s’insurge. Préserve-toi, un peu.

– À quoi bon ? Je souffre déjà. Et en riant malgré le monde, en dansant sur les décombres, la joie fait le lit du plus fort ; sais-tu, mon salaud, combien d’enfants agonisent tandis que je t’insulte ? Si oui, tu es un monstre, sinon tu n’es qu’un fou.

– Un fou, peut-être, mais un fou de joie qui, n’en déplaise aux bourreaux, se refuse à mourir de son vivant.

– Facile à dire quand tout va bien.

– Qu’en sais-tu ? Crois-tu que j’ai la tête ailleurs ? Moi aussi, je vais mourir. Que je me fiche des souffrances qu’on m’épargne ? Détrompe-toi, coq mou, tu n’as pas le monopole du cœur.

«La joie est le gai savoir qui ne chasse pas les idées noires, la faculté d'être le contemporain de ses émotions.»
– Non, mais celui du courage, poule mouillée.

– Tu te trompes ; je suis moins lâche que toi, dont la colère assure la bonne conscience. Ceux qui reprochent à la joie de détourner le regard font d’elle un synonyme du bonheur ou du divertissement, une façon d’oublier un peu la machine (et donc, d’en être tributaire), ou de passer la vie à ne pas admettre qu’elle s’achève. Or le divertissement surgit tout entier du malheur qu’il conjure, alors que la joie, indifférente aux circonstances, folle et sage à la fois, ne masque en rien la cruauté des choses. La joie n’est pas un sédatif, la joie n’est pas l’oubli du monde, au contraire ; elle n’a ni cire dans les oreilles, ni bandeau sur les yeux, et rien de ce qui existe ne lui est étranger. Dans sa fuite éperdue, l’homme du divertissement n’en a jamais assez ; dans l’adhésion paradoxale à tout ce qui est, dans la présence obstinée aux malheurs et aux plaisirs dont il ne dépend pas, l’homme de joie n’en a jamais trop.

– Soit. Je t’accorde que la joie n’est pas le divertissement, mais quelle raison, alors, d’être joyeux dans ce monde qu’on regarde en face ?

– Aucune, mais l’absence de raisons d’être joyeux est-elle une raison suffisante de ne pas l’être ?

– Tu fais le malin ? Va mourir ! Va au diable avec tes sophismes d’homme-bulle, et demande-lui ce qu’il en pense ! Les génocides, les famines, les viols et les meurtres dissuadent tout homme digne de ce nom d’envisager un jour la possibilité même de la joie. Si, comme tu le dis, tu sais de quoi le monde est fait, si tu n’ignores pas de quoi l’homme est capable, alors je t’accuse et te condamne de ne pas t’en indigner.

– Halte-là, monsieur le juge ! Nous sommes tous des condamnés, mais ceux qui accusent la joie d’approuver le réel jusqu’à ses infâmies sont les mêmes qui voudraient abolir le mal en atténuant la douleur, ou qui espèrent, par la colère, mettre, un jour, un terme à la souffrance des hommes, comme s’il pouvait suffire d’une saignée pour guérir de la peste.

– Bien sûr que je l’espère ! Je vis dans cet espoir, sans lequel la vie n’est qu’un désastre, une tragédie.

– Mais elle l’est, triste sire ! C’est toi qui esquives le réel en continuant, malgré l’évidence, d’espérer en lui. Tout espoir témoigne d’une existence maladive, d’une volonté exténuée qui suspend le bonheur aux faveurs dont l’existence est avare.

– La joie est donc pessimiste ?

– Dieu l’en garde.

– Optimiste ?

– Pour rien au monde.

– Alors, je n’y comprends rien.

– C’est que tu vois double au lieu de voir clair. La joie est simple, d’une simplicité déconcertante, conforme à l’unicité d’un monde dont les horreurs et la beauté maquillent successivement l’indifférence. La joie enseigne qu’optimisme et pessimisme sont des jumeaux boiteux qui se tiennent la main dans un refus commun du réel, et que tout espoir expose au regret comme une cause à ses conséquences. En somme, c’est l’espoir qui rend triste, ou pire : c’est la tristesse qui invite à l’espoir. Face au monde, la tristesse manque de sérieux.

– Tu déraisonnes.

– Oui, monsieur.

– À te croire, la joie est plus sérieuse que la tristesse.

– À tous égards : la joie est le sérieux suprême de ceux qui ne se prennent pas au sérieux, le gai savoir qui ne chasse pas les idées noires, la faculté presque animale d’être le contemporain de ses émotions et d’en accueillir les contradictions sans les juger, la puissance d’une incertitude qui éprouve le devenir comme une promesse renouvelée, qui remplace l’inquiétude par la confiance et les larmes par la méditation, qui oppose à la déception le refus de l’espoir et ce faisant, obtient du réel infiniment plus qu’il n’offre : tel un deuil réussi qui transforme une perte en occasion de vie, la joie opère la conversion du souvenir en avenir, du chagrin d’amour en littérature, du « devoir de mémoire » en leçon pour demain. En acceptant le présent, elle en fait un cadeau. Loin de fuir le réel ou de nous en distraire, la joie porte, à l’inverse, le témoignage de la vie au cœur même du malheur. C’est en consentant à l’horreur (au motif imparable qu’elle existe) que la joie résiste à son triomphe. Malgré l’insouciance qui la désigne, elle est aux antipodes des petits plaisirs qui tuent le temps. À l’image de Job découvrant, au terme de son calvaire, que la vérité de la foi consiste à aimer Dieu sans retour, la joie est un amour que n’accompagne l’idée d’aucune cause extérieure. Loin de naître de l’événement heureux qui, dans le meilleur des cas, lui fournit un prétexte, la joie est à l’épisode qui la suscite ce qu’un geste est à une intention, ce qu’un baril de poudre est à sa mêche, ce qu’une série de cercles majestueux est au petit caillou qu’on a jeté dans l’eau du lac, un fruit plus lourd que sa branche, une conclusion plus ample que ses prémisses. Tout comme l’amour véritable échappe aux raisons qu’il se donne, la joie transcende les « causes » qu’on lui attribue (on aime parce qu’on aime et, à dire vrai, on est joyeux pour rien), tout comme les gens se fâchent parce qu’ils se détestent (tout en croyant se détester parce qu’ils se fâchent), ce n’est pas quand tout va bien qu’on est joyeux, mais c’est parce qu’on est joyeux que tout va moins mal.


mercredi 1 mai 2024

Collège - 7 mai 2024 - Il se passe quoi, là ?

 

Rêve causé par le vol d’une abeille autour d’une pomme-grenade, une seconde avant l’éveil -1944- Huile sur bois -51 x 41 cm- Signé en bas à droite: GALA / Salvador DALÍ- Localisation: Museo Nacional Thyssen-Bornemisza, Madrid

Nous continuons notre réflexion sur le rêve. Peut-on essayer de traduire, cette représentation du rêve de S. Dali dans le monde de la reflexion ou bien doit-on rester dans celui des sensations. Comment essayer de faire un pont entre inconscient et raison ? Le philosophe qui fait habituellement parler les mots rejoint ici le poête et le psychanalyste ... Mais restons humble, la question sera juste, il se passse quoi là ?


Dali veut discréditer le monde de la réalité ou plutôt élevé celui des songes rt de hallucinations au même niveau que la réalité elle même ! 


Le tableau
Rêve causé par le vol d’une abeille autour d’une pomme-grenade, une seconde avant l’éveil

lundi 29 avril 2024

Collège - 2-05-2024 -Toutes les conaissances ont-elles la même valeurs

 


Les connaissances nous sont utiles, nos connaissances participent même à définir notre identité, mais ont-elles toutes la même valeur ? 


Qu'est ce qui est le plus utile, important, savoir jouer de la trompette, savoir soigner un infarctus, savoir faire atterrir un avion ? 

C'est sans aucun doute un problème de goût pour celui-qui l'acquière, de possibilité aussi, nous ne pouvons pas tous devenir Kylian Mbappé; mais, c'est surtout un problème de circonstance. 

Le jour du Brevet pendant l'épreuve de math, connaître le théorème de Pythagore est plus important que de savoir désamorcer une bombe, mais par contre pour celui à qui il ne reste que 10 secondes pour accomplir le geste du désamorçage, Pythagore, pfff comment dire : " il ou elle s'en badigeonne le coquillard avec une patte d'alligator femelle".

Savoir définition : État de la conscience d'une personne qui sait, qui a pleine connaissance de quelque chose; entendement, connaissance, relation entre le sujet qui pose l'acte de savoir et l'objet de pensée, point d'aboutissement, par opposition à la certitude, à la croyance, à la foi;

 Et pour être un digne citoyen, il faut savoir quoi ? 

Le conseil d'état déclare dans ce document: "La politesse, le respect, la capacité à venir en aide à une personne en difficulté sont des éléments capitaux pour une citoyenneté vécue au quofidien" . Ne connait pas l'orthographe le conseil d'état !


Bon il y a quoi d'autres 
Le gouvernement canadien déclare lui que :"  Les compétences essentielles aident à accomplir les tâches exigées dans le cadre du travail, elles permettent d’acquérir d’autres compétences et elles augmentent la capacité d’innover et de s’adapter au changement en milieu de travail. Les compétences essentielles comprennent :
  • lecture de textes
  • utilisation de documents
  • calcul
  • rédaction
  • communication orale
  • travail d’équipe
  • capacité de raisonnement
  • informatique
  • formation continue "
ou encore 

  • Lecture.
  • Rédaction.
  • Calcul.
  • Compétences numériques.
  • Résolution de problèmes.
  • Communication.
  • Créativité et innovation.
  • Collaboration.

En france les choses sont plus intellectualisées ... on nous fait des dessins en couleurs 






  • La communication
  • L’intelligence émotionnelle
  • L’esprit d’équipe
  • L’adaptabilité
  • La pensée critique
  • L’autonomie
  • Le leadership
  • La négociation
  • La résolution de conflit
  • L’empathie



Et pour vous, il faut savoir faire quoi en premier lieu ?

vendredi 26 avril 2024

Lycée et collège - 30-04-2024 - ëtre paresseux est-ce mal ?

 


Paresse : Comportement de quelqu'un qui répugne à l'effort, au travail, à l'activité ; goût pour l'oisiveté : Climat qui incite à la paresse. 2. Manque d'énergie dans une action : Avoir la paresse d'écrire.

Honteuse ou glorieuse ? La journée de travail, bien sûr, s’est raccourcie. Le temps libre n’est plus réduit à la régénération des forces vitales. Mais il est toujours hanté par une idéologie qui fait du travail la source du sens et de l’épanouissement. Même dans une société où des IA nous délivreraient du labeur, ne resterait-il pas un peu de cette paresse honteuse qui nous saisit lorsque, dit Locke, nous nous évadons dans un « rêve paresseux et léthargique » pour fuir le réel ?


« Rien de ce qui est humain n’est capable de déployer une activité sans interruption. » (Aristote) Le travail peut-il donner un sens à nos vies ? Que la fatigue soit inscrite dans notre nature, et aussitôt la paresse ne saurait être condamnée. Encore faut-il qu’elle ne nous détourne pas d'une culture de l’esprit sans laquelle notre existence ne pas peut être pleinement accomplie.



Il semble bien établi que Rousseau n'accorde à la paresse aucune vertu et qu'elle soit à la racine de nombreux vices ; bref, elle est une sorte de maladie sociale : « Riche ou pauvre, puissant ou faible, tout citoyen oisif est un fripon. »

Mais dans l'eloge à la paresse, Lafargue s'étonne de « l'étrange folie » qu'est l'amour que la classe ouvrière porte au travail alors qu'il décrit celui-ci comme « la cause de toute dégénérescence intellectuelle, de toute déformation organique ».


Pourtant cet amour n'est pas universel : les sociétés primitives « que les missionnaires du commerce et les commerçants de la religion n'ont pas encore corrompues avec le christianisme, la syphilis et le dogme du travail » y échappent ainsi que les civilisations antiques dans lesquelles les philosophes considéraient le travail comme une « dégradation de l'homme libre ».

Et albert ....




lundi 1 avril 2024

Lycée - 2-04-2024 - Le wokisme nous empêche t il de parler ?

 


Le « wokisme » est le nom donné au mouvement « woke » qui signifie « éveillé » en français. Le principe est de « rester éveillé ». Autrement dit, il faut avoir conscience des inégalités sociales et de racisme.

Les jeunes de cette classe se sentent parfois censuré par une pensée que l'on pourrait sans doute appellé wokiste. Alors peut-on tout dire sans être mis au pilori ? Au contraire le wokisme est-il une bonne chose ? 


Une pensée protectrice pour des minoritées et des individus ayant droit à notre respect ?  





samedi 30 mars 2024

Médathèque 6 avril 2024 - Que peut-ii avoir de bien dans une séparation ?

 

La séparation est toujours une épreuve. Les enfants la vivent avec gravité. 
Nous aurons ce samedi avec nous une jeune fille de 10 ans qui souhaite s'interroger sur ce sujet : Si la mort d'un animal de compagnie, d'un grand-père ou simplement une séparation moins définitive,car temporaire est toujours difficile, y a-t-il quelque chose de bien là-dedans ?" 

La séparation amouteuse

Nous nous interrogerons donc sur les aspects positifs de cette épreuve. Il n'est pas question de nous chercher des raisons de consolation mais bien des raisons de réjouissance. S'il y en a évidemment. 

La dernière des séparations qui nous concerne est bien celle de notre corps et de notre esprit !


La rupture est une déchirure | Claire Marin

La rupture crée l'histoire ?

mardi 26 mars 2024

Lycée 26/06/2024 - Lettre à Ménécée

 


Un atelier ou l'on vva se frotter à un texte philosophique. La lettre à Ménécée est une oeuvre majeure et à la fois courte. 

Nous allons essayer de le lire puis d'en tirer les grandes règles et ensuite d'en discuter certaines

Cela nous permetra de définir l'épicurisme à la fois dans sons sens populaire et philosophique et d'essayer de pénétrer la pensée de cet homme.


Le bonheur à portée de main

Thierry Marx, Robert Harrison, Jacques Schlanger, propos recueillis par Suzi Vieira publié le 24 janvier 2008 

Tout est dans le présent et dans la fuite de la souffrance. Loin de la jouissance grossière, le philosophe enseignait la recherche des plaisirs simples pour vivre en harmonie avec soi-même.

Thierry Marx :
 « Le mot de “démesure” est à bannir. »

Épicure, épicurisme : éternelles références quand on en vient à parler gourmandise ou gastronomie. Ces mots sonnent souvent comme une excuse, voire un encouragement à la goinfrerie. Et s’éloignent ce faisant de la pensée du philosophe… Car l’épicurisme, si je me souviens bien, prônait l’aptitude à se satisfaire de ce qu’on a, quand bien même ce serait peu. Aujourd’hui, une confusion règne : on mélange épicurisme et hédonisme. On camoufle les excès de la gastronomie derrière la pensée de nos illustres philosophes pour se donner bonne conscience et légitimer nos conduites. Arrêtons ces amalgames ! « Ceux qui s’indigèrent ou qui s’enivrent ne savent ni boire ni manger », disait joliment Brillat-Savarin dans sa Physiologie du goût. Dans la cuisine gastronomique, le mot de « démesure » est à bannir, contrairement à ce que certains petits consuls du monde gourmand aiment à faire croire, se réclamant d’un pseudo-épicurisme qu’ils assimilent faussement à une vaste goinfrerie. Bien sûr, Épicure faisait de l’homme un être de plaisirs. Mais de quel plaisir parle-t-on ? J’imagine que le philosophe antique visait cette capacité de l’homme à s’émerveiller, à retirer des satisfactions de choses simples, parfois infimes. Il disait même satisfaire son plaisir d’un peu d’eau et de pain. Je crois moi aussi aux plaisirs naturels et nécessaires.

Les mets les plus simples peuvent procurer des émotions incomparables : faire un pain, le regarder cuire dans l’antre du four et le partager avec des amis sur le coin d’une table, accompagné d’une poignée de gros sel et d’un filet d’huile d’olive. Voilà le bonheur, à portée de main et de regard, et non pas dans des cimes inaccessibles. Sans ostentation. Sans discrimination. La cuisine, telle que je la revendique, n’est pas qu’un assemblage de saveurs. Tous les plats créés sont autant de déclinaisons de ma sensibilité.

Et ce don, j’aime que l’autre le ressente et le vive en lui-même. Qu’il le ressente plus qu’il ne le pense. Parce que, à mon avis, nos sens vont bien au-delà de ce que nous imaginons.

Robert Harrison : 
«Il faut cultiver son jardin.»

Si Épicure a appelé son école le « Jardin », ce n’est pas un hasard. Le « Jardin » était, pour être exact, un potager que les disciples cultivaient quotidiennement pour en consommer les fruits et légumes. Et le jardinage est, pour Épicure, un acte à dimension profondément philosophique.

De fait, dans la pensée épicurienne, le bonheur n’est pas un état naturel et spontané, mais un état spirituel à atteindre par tout un travail sur soi. Comme les jardins, il requiert une attention et un soin particuliers, de la vigilance et de l’entretien. Les vertus épicuriennes les plus importantes – l’amitié, la sérénité, la conversation, la gratitude, la patience, l’acceptation de la mort – sont des vertus qui se cultivent. L’épicurisme est une longue « culture de soi », jamais achevée. Toute sa philosophie tient dans le bon mot de Voltaire : « Il faut cultiver son jardin. » On comprend alors pourquoi l’école épicurienne s’organisait comme un jardin. Mais contrairement au jardin platonicien, celui de l’éducation, où les disciples symbolisent la terre que le professeur-jardinier doit cultiver (cf. Phèdre) pour faire « pousser » des dirigeants et des citoyens éclairés, Épicure ne donne aucune fonction politique à cette « culture de soi ». Pour lui, la philosophie ne doit viser qu’au bonheur personnel, non à fixer le bien public. Vivant à une époque où Athènes connaît la crise et le déclin, le sage épicurien cherche à atteindre le bonheur en dépit des tourmentes sociales et politiques. Telle est la leçon d’Épicure : quand l’histoire devient un cauchemar, il faut cultiver son jardin. Je crois que tout jardinier est un épicurien au sens le plus radical du terme, en ce qu’il cultive son bonheur en disant « non » aux forces de destruction et en créant ici-bas un lieu pour l’ataraxie. Tous les jardiniers sont au fond des cultivateurs de sérénité. Et l’épicurisme est bien la philosophie de vie qui leur va le mieux…

Jacques Schlanger : 
« Nous émerveiller de notre existence. »

Poursuivis par le passé, aspirés vers l’avenir, nous avons tendance à oublier que c’est maintenant, ce n’est que maintenant, que nous vivons. À force de se laisser envahir par le souci, on perd de vue l’essentiel, le fait d’exister – avec ce que cela a d’unique, d’improbable, de merveilleux. Dans un monde né du hasard de l’entrechoc des atomes ou d’un big bang, il nous faut d’abord nous émerveiller de notre existence, ici et maintenant.

Le passé n’est plus, l’avenir n’est pas encore, tout est dans le présent et c’est maintenant qu’il faut vivre et bien vivre. Voilà la grande leçon d’Épicure, tout le reste est commentaire. « La mort n’a aucun rapport avec nous ; car ce qui est dissous est insensible, et ce qui est insensible n’a aucun rapport avec nous », écrit le sage (Maximes capitales II). Facile à dire, plus difficile à intégrer. Pour ceux d’entre nous qui vivent dans un monde sans un dieu qui surveille, récompense et punit, la mort est une fin finale, si j’ose dire, et il faut apprendre à vivre avec l’idée de cette fin. Tout instant peut être l’instant de la cessation d’être et c’est le sentiment de cette imminence qui pousse à vivre pleinement le présent. La mort imminente sert ainsi de limite, et ne pas craindre la mort devient une discipline de vie, une manière de jouir de la liberté que nous permet la connaissance de cette limite. Autre conseil d’Épicure : désirer le plaisir et surtout fuir la douleur… Qui n’est pas de cet avis ? Pourtant, on a souvent fait d’Épicure un hédoniste grossier, un vulgaire jouisseur, un homme du « manger, boire, baiser ». Il n’en est rien, justement à cause de son sentiment de la mesure. Et rien ne le révèle mieux que ces lignes écrites à un de ses amis : « Envoie-moi un pot de fromage, afin que je puisse, quand je le voudrai, faire grande chère. » Un pot de fromage et peut-être aussi un verre de vin, voilà le vrai plaisir !